Du 11 au 21 septembre, 100 000 visiteurs sont attendus au Grand Palais. Parmi eux, quelques-uns des plus grands collectionneurs d'art, venus de Rio, New York,Londres ou Hongkong. La veille, ces milliardaires très courtisés auront assisté au fabuleux gala d'ouverture sous la grande verrière, donné au profit de la Fondation Hôpitaux de Paris Hôpitaux de France. Mille quatre cents personnes en smoking etrobes longues, dégustant un menu signé Michel Guérard, dont la préparation et le service auront nécessité un aréopage de 1 000 employés, orchestrés par Potel et Chabot. Pour sa deuxième édition depuis son retour au Grand Palais, la biennale savoure ce renouveau dans un parfum de magnificence. Eclat renforcé, d'autant que les joailliers sont de plus en plus nombreux à révéler, en exclusivité, leurs nouvelles collections lors de cette rentrée artistique. « La joaillerie a eu sa place à la biennale dès l'origine dans les années 60, car elle s'adresse à la même clientèle que les antiquaires, souligne Christian Deydier, le président de la manifestation. Elle fait partie d'un art de vivre à la française, au même titre que les tableaux et les objets d'art. Cette année promet une montée en puissance, car certains ateliers ont préparé, parfois deux ans à l'avance, des collections spéciales. Comme les antiquaires, ils gardent leurs plus belles pièces pour les dévoiler à ce moment-là! »
Un péridot de 47 carats
Depuis deux ans, Van Cleef & Arpels peaufine en effet un ensemble exceptionnel de joyaux sur le thème des jardins du monde entier. Quatre édens, s'inspirant de la Renaissance italienne, des jardins à la française, du romantisme anglais ou de l'Extrême-Orient. Dans chacun, des pièces remarquables, par leur conception ou, évidemment, la qualité et le calibre des pierres exposées. On verra un péridot taille coussin, de 47 carats, s'épanouir sur une bague et un collier Le Nôtre où les pelouses sont des émeraudes et les bosquets des diamants. « La biennale est un écrin extraordinaire, commente Stanislas de Quercize, le président de Van Cleef. La joaillerie y est reconnue comme un art à part entière. Cette collection a nécessité de pousser le savoir-faire de nos ateliers au plus fort. » Comme elles le font des quatre côtés de la place Vendôme, les maisons vont ici se mesurer les unes aux autres dans un mélange d'admiration, de goût du mystère et d'élégance. Dior, dont c'est la première participation à la biennale, est encore une griffe jeune en joaillerie. Fraîche, talentueuse et très turbulente! Victoire de Castellane, sa pétillante directrice artistique, en est consciente et a imaginé une collection littéralement époustouflante ... présentée dans un décor de nursery. «Milly Carnîvora », c'est son nom, rend à la fois hommage au jardin de Christian Dior à Milly-la-Forêt, envoûté par le parfum étrange des fleurs carnivores. « Devorus »;« Poisonus » ou « Egratigna », les fleurs-bijoux du jardin de Victoire ont des noms latins inventés mais une beauté du diable bien réelle.
Excentriques, provocantes, elles dégoulinent de pierres de couleurs, tsavorites, grenats mandarine, saphirs roses, comme des gouttes de poison. Les pétales gourmands de ces fleurs vénéneuses s'ouvrent et avalent de naïves coccinelles ou des papillons de contes de fées. « L'or n'a que trois couleurs, c'est trop embêtant », dit Victoire. Alors les montures d'or sont laquées, comme des ongles manucurés. Les nuances sont vives, parfois métalliques,jusqu'à fluorescentes : vert chlorophylle ou rose Malabar échappé d'un dessin animé japonais. Pour se mesurer à ses aînés - et les manger tout crus? -, la griffe souligne son savoir-faire. « La joaillerie Dior se distingue avant tout par son côté créatif, féminin, ludique et extravagant, dit Victoire. Ma priorité: un côté artisanal cent pour cent fait main dans des ateliers parisiens. Une forte exigence de qualité, d'autant plus importante que nous sommesune marque de joaillerie récente. »
De 9 000 à 700 000 euros, les prix sont plutôt modestes dans le domaine ...
Un démantoïde vert rarissime
Un, deux, trois millions d'euros, le nombre sans cesse croissant des milliardaires permet toutes les folies. Lors de l'exposition sera mise en vente une rareté, le collier de feu le maharaja de Patiala, créé en 1928 par Cartier, pour ce prince du grand Etat du Pendjab. La griffe l'avait racheté il y a quelque temps, et patiemment
restauré, retrouvant un à un les diamants de taille ancienne semblables à ceux qu'il avait perdus. Il s'agit d'un collier de chien totalisant 160 carats de diamants.
Il voisinera avec une cinquantaine de nouvelles pièces, sur le thème des chimères ou du fabuleux saphir padpa-radscha rose orangé, provenant des mines de Ceylan. Exception encore pour Harry Winston qui, dans sa série « The IncrediS bles », montre un grenat démantoïde vert rarissime de plus de 6 carats. Chez Chanel, on découvrira,jarclins obligent, une broche Camélia Paraïba dont le cœur est une tourmaline de 37,5 carats, d'un bleu-vert de la plus belle eau des mers du Sud ... avec 1 098 diamants supplémentaires qui participent au feu d'artifice. Côté savoir-faire, un sautoir Camélia poudré, orné de 96 carats de diamants, souple comme un collier de perles. .. Et des prix qui grimpent jusqu'à 1,6 million d'euros. « La clientèle est ici très prestigieuse, et de plus en plus diversifiée, note Benjamin Comar, directeur international de la joaillerie Chanel. Europe, Amérique, bien sûr, mais aussi de plus en plus d'Asiatiques, notamment de Hongkong. »Après l'or des médailles, la Chine rêve aussi d'accrocher à son cou de l'or estampillé place Vendôme.
Bracelet Twig,
26 rubis taille poire (32,52 carats)
et 182 diamants poire et baguette (22,78 carats), Harry Winston.
Broche Camélia Paraïba ornée
de 1 098 diamants et d'une tourmaline de 37,5 carats, laque bleue des mers du Sud assortie (Chanel).
Bracelet de la collection Chimères de Cartier, fermoir et sertissage dragon de diamants, boules , émeraude, et une opale d'Australie de 88,58 carats.